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Le cadre légal de l’émission d’obligations communautaires

Quelques éléments pour vous éclairer.

L’émission d’obligations communautaires soulève de nombreuses interrogations, telles que: qui peut émettre des obligations communautaires? De quelle dispense un OBNL peut-il bénéficier? Quels sont les devoirs et responsabilités d’un OBNL dans le cadre d’une émission d’obligations communautaires? Qu’en dit la loi? Qu’est-ce que cela implique? Le présent texte vous fournira plusieurs éclaircissements sur ces questions.

Nous tenons cependant à préciser qu’il est recommandé pour toute organisation qui désire émettre des obligations communautaires d’obtenir un avis juridique spécifique à sa situation et son contexte pour valider l’application de la dispense de prospectus lors de l’émission d’obligations.

1. Une personne morale sans but lucratif peut émettre des obligations communautaires

La loi sur les compagnie, partie III

La Loi sur les compagnies, RLRQ c. C -38 prévoit, à sa partie III, que les OBNL peuvent émettre des obligations. Ce sont ces dernières qui sont communément qualifiées d’obligations «communautaires».

«Les administrateurs peuvent, lorsqu’ils le jugent opportun et s’ils y sont autorisés par un règlement approuvé par le vote d’au moins les deux tiers des membres réunis en assemblée spéciale convoquée à cette fin, émettre des obligations et autres valeurs et les donner en garantie ou les vendre pour les prix et sommes jugés convenables.» (Loi sur les compagnies, articles 77.1 (b) et 225).

L’adoption d’un règlement

Ainsi, pour pouvoir émettre des obligations, les éléments requis au niveau de la gouvernance d’un OBNL sont:

  • d’autoriser par règlement l’émission d’obligations par l’OBNL, si l’émission de tels titres n’est pas déjà prévue dans les lettres patentes
  • que ce règlement soit approuvé par au moins deux tiers des membres présents lors d’une assemblée dûment convoquée à cette fin

L’intégration d’une mention dans les lettres patentes

Émettre des obligations communautaires doit être compatible avec les objets pour lesquels l’OBNL a été constitué. À ce titre, il est de pratique courante d’intégrer une mention relative à cela dans les lettres patentes de l’organisme. Ainsi, en plus de l’adoption d’un règlement prévoyant la capacité d’émission de l’OBNL, tel que prévu à l’article 77 de la Loi sur les compagnies, le Registraire des entreprises du Québec recommande notamment d’inclure, dans la section «objet» des lettres patentes de l’organisme, la disposition suivante:

«Recevoir des dons, des legs et d’autres contributions de même nature en argent ou en valeurs mobilières ou immobilières; administrer de tels dons, de tels legs et de telles contributions; et organiser des campagnes de souscription dans le but de recueillir des fonds à des fins charitables.»

De plus, le Registraire des entreprises conseille aux organismes désirant émettre des obligations d’intégrer à la section 6, «autres dispositions», du formulaire de demande de constitution en personne morale sans but lucratif la mention suivante:

«Le conseil d’administration peut, lorsqu’il le juge opportun:

  • faire des emprunts de deniers sur le crédit de la personne morale;
  • émettre des obligations ou d’autres valeurs de la personne morale et les donner en garantie ou les vendre pour des prix et des sommes jugés convenables;
  • hypothéquer les immeubles et les meubles de la personne morale ou autrement frapper d’une charge quelconque les biens meubles de celle-ci.»

2. Les organismes à but non lucratif bénéficient de deux dispenses

Que signifie être «dispensé»?

En émettant ainsi des obligations communautaires, l’OBNL est soumis, comme toute entreprise, à la Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ c. V -1.1 (LVM), qui prévoit l’obligation pour toute personne qui entend procéder au placement d’une valeur mobilière de produire un prospectus devant être soumis à l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Un placement comprend notamment le fait, par un émetteur, de rechercher ou de trouver des souscripteurs ou des acquéreurs de ses titres. Cela couvre donc la situation de l’OBNL émetteur d’obligations. La LVM prévoit que toute personne qui entend procéder au placement d’une valeur mobilière telle qu’une obligation se doit d’établir un prospectus devant être soumis à l’AMF. Le prospectus présente les informations et les attestations prévues par règlement et révèle de façon complète, véridique et claire, tout fait important relatif à un titre émis ou qui fait l’objet d’un placement. Ce document peut s’avérer coûteux à produire et représenter d’importantes contraintes pour certains émetteurs. Conséquemment, la LVM ainsi que d’autres lois et règlements prévoient des dispenses de prospectus simplifiant alors le processus d’émission d’obligations.

Au Québec, les OBNL (incorporés en vertu de la loi canadienne ou québécoise) peuvent bénéficier notamment de deux dispenses spécifiques.

Première dispense, en vertu de la LVM, Article 3, paragraphe 3

Différentes formes d’investissement sont dispensées de l’application des titres II à VIII de la LVM. C’est le cas, notamment, des titres émis par une personne morale à but non lucratif, à condition que le placement des titres n’entraîne aucune rémunération. Ainsi, les OBNL sont dispensés de produire un prospectus et de s’inscrire comme courtier, sous réserve de certaines conditions.

Cette dispense concerne «toute personne morale à but non lucratif» et peut donc s’appliquer aux ONBL et, possiblement, aux coopératives.

En lire plus sur la Loi sur les valeurs mobilières, Article 3, paragraphe 3

Seconde dispense, en vertu du règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus, article 2.38  

Le Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus, A.M. 2015-05 , article 2.38
précise que l’obligation de prospectus ne s’applique pas au placement, par un émetteur dont l’objet se rattache exclusivement à l’éducation, à la bienfaisance, au secours mutuel, à la charité, à la religion ou aux loisirs et qui est à but non lucratif, de titres émis par lui, pour autant que soient réunies les conditions suivantes:

a) aucune partie du bénéfice net ne profite à un porteur de l’émetteur;
b) aucune commission ou autre rémunération n’est versée pour le placement des titres.

La dispense du Règlement est plus restrictive et ne vise que les émetteurs à but non lucratif dont l’objet se rattache exclusivement à l’éducation, à la bienfaisance, au secours mutuel, à la charité, à la religion ou aux loisirs. Elle s’applique donc à certains OBNL, ainsi que plus spécifiquement aux organismes reconnus comme étant des organismes de bienfaisance. Le fait que le libellé de cette dispense désigne des «émetteurs» et l’absence de référence à un critère de personnalité juridique laissent à penser qu’elle pourrait s’appliquer à des entités qui ne sont pas des personnes morales telles que les fiducies d’utilité sociale.

En lire plus sur le règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus, article 2.38

3. Au-delà du statut légal, il importe de valider la nature réelle à but non lucratif des OBNL et de leurs activités. 

Lorsque vient le temps d’évaluer si un OBNL peut profiter ou non d’une dispense de prospectus, il convient de s’attarder à trois éléments principaux:

  1. La nature des activités de l’OBNL: dans le cadre de la dispense du Règlement, l’organisme doit exercer l’une des activités qui sont énumérées à l’article 2.38 et qui ont été listées ci-haut. Dans le cadre de la LVM, le paragraphe 3 de son article 3 prévoit que la personne morale doit être à but non lucratif.
  2. La nature de l’OBNL lui-même: Il convient de tenir compte non seulement du statut légal de l’OBNL, mais aussi de l’objet prépondérant et de la réalité économique de l’émetteur du placement.
  3. Le respect de certaines conditions spécifiques: La LVM prévoit que le placement des titres ne doit entraîner aucune rémunération, et le Règlement prévoit qu’aucune partie du bénéfice net ne doit profiter à un porteur de l’émetteur et qu’aucune commission ou autre rémunération ne peut être versée pour le placement.
Retour sur le critère de la nature de l’OBNL lui-même, lequel repose sur les critères suivants:
  • l’OBNL doit être incorporé en vertu d’une loi.
  • l’objet prépondérant (soit le but pour lequel l’organisme est constitué), doit fondamentalement être à but non lucratif. La réalité économique de cette personne morale ainsi que ses activités et son quotidien doivent être réellement celles d’une personne morale ne recherchant pas exclusivement le profit.

Un OBNL peut avoir des objets lucratifs accessoires, pourvu que l’objet principal de l’organisme demeure fondamentalement à but non lucratif:

  1. Un des aspects importants de la caractérisation de l’objet prépondérant sera l’usage qui est fait des gains réalisés qui devraient être réinvestis à sa réalisation et non au profit des personnes actives dans l’organisme.
  2. De plus, on considère généralement qu’un OBNL peut avoir des activités lucratives accessoires, dans la mesure où (1) elles se rattachent à la réalisation des objets de la corporation (2) elles sont réellement accessoires (elles ne sont pas devenues l’objet prépondérant ou le but principal de l’organisme) et si (3) les gains retirés de ces activités accessoires ne sont pas distribués aux membres.
  3. L’objet principal de l’organisme émetteur doit demeurer constant dans le temps.

4. Les émetteurs ont la responsabilité de fournir l’information nécessaire à une prise de décision éclairée des souscripteurs

Dans le cadre de l’exemption de prospectus lié au caractère non lucratif de l’émetteur, celui-ci n’est pas tenu de rédiger de prospectus, ni de notice d’offre. En vertu de l’article 264 de la LVM, le Tribunal administratif des marchés financiers (TMF) peut cependant retirer ce privilège à un organisme et refuser le bénéfice de la dispense en cas d’abus, soit  l’usage excessif ou déraisonnable de la dispense de prospectus et le fait que les dispenses ne doivent en aucun cas servir à omettre ou cacher un fait important concernant la personne morale ou les obligations.

Autrement dit, si le TMF juge que l’organisme a abusé de la dispense, ce dernier peut notamment déclarer qu’il y a eu un manquement aux dispositions de la LVM et ainsi imposer des sanctions, telles que l’annulation des investissements réalisés à travers l’organisme fautif (et donc leur remboursement) et imposer une pénalité administrative.

Afin de privilégier une relation de transparence et de confiance avec les membres de sa communauté et de se protéger d’éventuelles réclamations, il est important de fournir toutes les informations utiles à une prise de décision éclairée par les souscripteurs. Dans l’esprit du prospectus, il est recommandé que ces informations soient donc contenues dans différents documents qui énoncent clairement les conditions d’émission et fournissent des renseignements détaillés sur les titres offerts (notamment les risques) ainsi que sur les activités de l’émetteur, sa direction et sa situation financière.

Du prospectus à la trousse de l’investisseur.

Un prospectus est un document légal et détaillé qu’un émetteur doit généralement produire pour pouvoir émettre des titres au grand public. Le prospectus vise à renseigner les investisseurs pour les aider à prendre des décisions de placement éclairées. Le prospectus doit, en vertu de la LVM, présenter un exposé complet, véridique et clair de tous les faits importants ayant trait aux titres qui seront émis ou qui font l’objet d’un placement. Le prospectus doit être approuvé par l’AMF. L’étape de rédaction et d’approbation peut être longue et coûteuse pour les émetteurs qui ont besoin de capitaux, c’est pourquoi la réglementation sur les valeurs mobilières allège les obligations relatives au prospectus sous certaines conditions; c’est le cas pour les OBNL.

La trousse de l’investisseur est un outil élaboré et suggéré par le TIESS dans le but d’aider les émetteurs potentiel. Il a les mêmes objectifs que le prospectus. Il ne doit cependant être ni déposé ni approuvé par l’AMF. L’organisme élabore la trousse de l’investisseur pour s’assurer que l’ensemble des faits nécessaires à une prise de décision éclairée de l’investisseur soit exposé. L’ampleur de la trousse de l’investisseur (notamment le document d’information) peut être fonction de l’envergure de l’émission de titres. La trousse de l’investisseur comprend un document d’information, un sommaire des conditions d’émission, un formulaire de souscription, un certificat d’obligation.

Pour en savoir plus sur la trousse de l’investisseur 

5. Pour bénéficier de ces dispenses, l’OBNL doit respecter certaines conditions spécifiques.

  • La LVM prévoit que le placement des titres ne doit entraîner aucune rémunération.
  • Le Règlement prévoit qu’aucune partie du bénéfice net ne doit profiter à un porteur de l’émetteur et qu’aucune commission ou autre rémunération n’est versée pour le placement.

Dans les deux cas, la notion de profit et de bénéfice au porteur de l’obligation est au centre de ces conditions spécifiques.

Notons cependant qu’il sera possible pour l’émetteur de rembourser aux porteurs d’obligations le capital ainsi que des intérêts sur la créance que représentent ces obligations sans que cela ne soit considéré comme toucher une partie du bénéfice net.

La condition supplémentaire du Règlement selon laquelle aucune commission ou autre rémunération ne peut être versée pour le placement vise ainsi à garantir que personne ne soit payé pour solliciter des souscripteurs. Cela ne vise pas les frais engagés par les OBNL en prévision de l’émission d’obligation, tels que les frais légaux d’analyse afin d’évaluer la conformité du processus d’émission. Il convient cependant de noter que chaque situation devra être évaluée au regard des faits propres à l’organisme et qu’il est recommandé d’obtenir un avis juridique permettant de valider que la structure de l’organisme est compatible avec les dispenses ici mentionnées.

6. La dispense de s’inscrire comme courtier, qu’est-ce que cela signifie?

Outre l’obligation de produire un prospectus, le placement de valeurs mobilières déclenche une deuxième obligation spécifique, soit celle pour la personne qui recherche ou qui trouve un souscripteur pour le placement d’être inscrite auprès de l’AMF. L’article 3 de la LVM et le Règlement dispensent cependant l’OBNL de cette obligation.

En revanche, toute personne ne sera pas dispensée de s’inscrire à titre de courtier. L’AMF a établi cinq facteurs pertinents pour déterminer si une personne exerce l’activité de courtier ou de conseiller et se trouve par conséquent dans l’obligation de s’inscrire (l’exercice d’activités analogues à celles des personnes inscrites, le fait d’agir à titre d’intermédiaire ou de teneur de marché, le fait d’exercer l’activité, directement ou indirectement, de façon répétitive, régulière ou continue, le fait d’être ou de s’attendre à être rémunéré, et le démarchage direct ou indirect). L’OBNL doit donc ne pas, dans le cadre de l’émission de ses obligations, avoir recours au service d’une personne présentant ces caractéristiques.

De plus, il convient de noter que le critère des dispenses de la LVM et du Règlement prévoyant qu’il ne doit pas y avoir de rémunération découlant du placement retire un aspect essentiel à la profession de courtier, soit d’être rémunéré pour offrir des services de placement.

Autrement dit:

  • Aucune rémunération liée à la vente des titres: un organisme à but non lucratif désirant émettre des obligations et profiter des dispenses de prospectus ne peut faire appel à un intermédiaire, par exemple, un courtier rémunéré pour assurer la vente des titres ou de jouer le rôle de courtier. En revanche, il est probable que cette règle n’empêche pas l’OBNL d’affecter du personnel de l’organisme pour gérer l’émission d’obligations et la vente des titres, dans la mesure où la rémunération des employés ne dépendra pas de la vente des titres. Par ailleurs, un organisme à but non lucratif désirant émettre des obligations et profiter des dispenses de prospectus ne peut rémunérer un gestionnaire de portefeuille (un représentant du souscripteur) pour souscrire une obligation communautaire.
  • Aucun conseil en placement: l’organisme qui émet des obligations n’est pas autorisé à offrir un conseil en placement ou en finance personnelle: l’individu doit prendre sa décision de manière autonome, en toute connaissance de cause, et doit, pour ce faire, disposer de toute l’information nécessaire à sa prise de décision.

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